• Jardinage sans travail du sol

    Le potager du paresseux

    résumé de lecture par Jiffo nov 2019

     

    Ce livre a été publié en 2018 par Didier Helmstetter, un ingénieur agronome retraité. Il peut servir de guide pour une autre vision du potager. Il met en avant un certain nombre de connaissances qui nous aide à comprendre comment fonctionne le sol et les organismes qui lui sont associés.

    Le cycle fondamental de la vie

    Pour rendre compte du cycle de la vie, on peut distinguer deux types d'organismes :

    • les autotrophes qui tirent leur énergie de développement (croissance et multiplication) essentiellement de la lumière à l'aide d'une molécule organique, la chlorophylle. Ils utilisent de l'eau et du CO2 et rejettent de l'oxygène pour construire de la biomasse. La biomasse est en moyenne à 99% tiré de l'atmosphère. Le reste, ce sont des minéraux extraits du sol (parmi eux, les indispensables NPK (N l'azote pour les protéines, les enzymes, l'ADN ; P le phosphore pour les mécanismes énergétiques, les os ; K le potassium pour régler le trafic d'ions à travers les membranes cellulaires).Le potager est un énorme générateur de biomasse dont nous n'utilisons qu'une partie. Le reste qu'on nomme souvent déchets peut être la nourriture des organismes vivants du sol.
    • les hétérotrophes qui tirent leur énergie de la destruction des autotrophes, c'est à dire de la biomasse vivante ou non ; c'est notre cas, le cas de tous les animaux mais aussi les champignons qui se nourrissent en décomposant la cellulose et la lignine composant du bois. Par des réactions chimiques d'oxydation, les hétérotrophes à l'aide d'une large panoplie d'enzymes dégradent la biomasse pour en récupérer l'énergie avec comme déchets ultimes de l'eau et du CO2, les composants principaux de départ ; fermant ainsi le cycle de la matière organique.

    La vie dans le sol

    Ce qui va nous intéresser principalement, c'est la dégradation de la biomasse qui libère les éléments indispensables à la poursuite du processus, c'est à dire pour nous "faire pousser des légumes". Cette dégradation est le résultat du travail des organismes vivants du sol, la dégradation aérobie (donc en présence d'oxygène) étant la plus efficace. Les bactéries libèrent les éléments minéraux que renferment les matières organiques (c'est la minéralisation primaire), éléments mis à la disposition des plantes.

    Quels sont ces organismes du sol qui travaillent pour nous :

    • les bactéries, êtres unicellulaires qui dégradent les molécules organiques dans leur environnement immédiat à l'aide des enzymes qu'elles fabriquent. Elles se reproduisent très vite quand les conditions sont favorables : une température clémente (>12°), un milieu peu acide, un environnement pas trop sec, de l'oxygène. Elles sont mobiles mais à leur échelle (1 micron) et plutôt transportées par des organismes plus gros. Les bactéries sont abondantes dans les couches superficielles du sol associées à la matière organique et en particulier dans la rhizosphère (zone proche des racines).
    • les champignons qui dégradent des molécules plus simples et en particulier la lignine composant essentiel du bois. Bactéries et champignons sont en compétition, une compétition réglée par les conditions ambiantes et la nourriture disponible. Les champignons sont plus à l'aise dans un milieu plus froid et plus acide que les bactéries.
    • ensuite d'autres êtres vivants vont poursuivre le travail soit en continuant à dégrader la biomasse restante (insectes, acariens, etc), soit en incorporant les différents produits au sol en les associant à des particules de terre (argiles, limons...) construisant les substances humiques qui stabilisent la richesse des sols : c'est le rôle des vers de terre et en particulier des plus efficaces : les vers anéciques.

    Aggradation du sol

    L'idée du "paresseux" est de laisser faire les organismes vivants du sol et même de les encourager en les nourrissant. Il dit "je ne cultive pas des légumes, je cultive mon sol".

    Les plantes ont besoin d'azote pour fabriquer certaines molécules organiques (acides aminés, protéines, enzymes...). L'azote très abondant dans l'air n'est pas directement utilisable pour les plantes ; l'azote doit être sous forme d'ions ammonium NH4+ ou d'ions nitrate NO3- (c'est le rôle des apports d'engrais azotés en agriculture conventionnelle). Mais les plantes n'ont pas attendu les humains pour pousser ; elles ont développé des mécanismes de fixation biologique de l'azote. C'est le cas de bactéries fixatrices d'azote, bactéries libres dans le sol ou associées aux racines de certaines familles de plantes : on connaît les nodosités symbiotiques sur les racines des fabacées. Mais les fabacées ne sont pas toutes aussi efficaces : par ces nodosités, le haricot par exemple ne couvre que 40% de ses besoins en azote ; par contre les légumineuses fourragères (trèfle, luzerne) atteignent 80 à 100% de leur besoins. Donc ces plantes ne fournissent pas directement des produits azotés aux autres plantes proches. Et aussi, ces légumineuses fixent l'azote si elle ne le trouve pas directement dans le sol.

    Donc au jardin, on veillera à ne pas engraisser une planche qui portera des légumineuses et on aura à cœur de conserver sur le sol toutes les parties non utilisées de ces plantes.

    Chez les bactéries, certaines se nourrissent de produits chimiques simples qu'elles transforment pour en tirer leur nourriture. En particulier, celle qui transforment les ions ammonium en ions nitrate. C'est le mécanisme de nitrification qui est une oxydation, un processus aérobie. En fin de décomposition de la biomasse, l'azote est sous forme ammonium. Les plantes annuelles dont la saison est courte, préfèrent l'azote sous forme nitrate qu'elles peuvent assimiler plus vite. Les végétaux ligneux, moins pressés, s’accommodent d'ions ammonium. Les champignons dégradent la lignine en libérant des ions ammonium qui acidifie le sol ; ce qui est défavorable aux bactéries : dans les sols forestiers, les champignons dominent.

    Dans des conditions anaérobies (sols tassés, saturés d'eau, bâchés), le processus s'inverse en dénitrification : les nitrates sont décomposés en oxydes d'azote et finalement en diazote gazeux.

    Autre propriété des bactéries utile pour le sol : en milieu humide, les bactéries s'associent souvent sous forme de film en sécrétant des glus qui vont coller les particules du sol et former des grumeaux (le fameux couscous !). Ces agrégats vont structurer et stabiliser le sol.

    La rhizosphère

    La rhizosphère est le volume de sol soumis à l'influence des racines vivantes, c'est une mince couche entourant les racines que la plante construit en exsudant des substances nutritives pour des bactéries et des champignons qui vont travailler pour elle. Ces exsudats racinaires représentent entre 5 et 30% des substances produites par photosynthèse par la plante. Ces substances vont aggrader le sol proche et nourrir bactéries et champignons qui vont rendre des services à la plante :

    • L'aggradation permet à la plante de mieux s'enraciner, de mieux respirer
    • certaines bactéries vont faire la police autour des racines contre les agents pathogènes, synthétiser des hormones de croissance et d'autres substances complexes (vitamines, arômes, antioxydants, pigments, etc.)
    • des champignons dits mycorhiziens vont s'associer aux racines en une très bénéfique symbiose (qui ne se développe pas chez les plantes de la famille des choux (brassicacées), des épinards (chénopodiacées) et de l'oseille (polygonacées)) :
      • la plante fournit au champignon les sucres qu'il ne peut pas synthétiser.
      • les champignons vont développer des filaments très fins (quelques microns) qui vont transporter vers la plante l'eau et les nutriments présents dans toute la zone que va explorer le réseau du mycélium (de quelques cm2 à plusieurs m2). Ce sont aussi de grands rétenteurs d'eau.
      • les champignons vont synthétiser des antibiotiques et faire circuler entre les plantes des substances chimiques de communication entre racines.

    Les vers de terre

    On distingue 3 groupes de vers de terre en fonction de leur rôle dans le sol:

    • les vers endogés : ces vers peu pigmentés se nourrissent de substances organiques déjà très décomposée. Ils sont peu connus car ils ne sortent jamais de terre.
    • les vers épigés vivent dans les tout premiers centimètres du sol et la matière organique fraîche est leur principale nourriture. Ce sont les lombricomposteurs.
    • les vers anéciques (du grec anesis : élasticité). Ce sont les chouchoux de notre paresseux car ils travaillent le sol en profondeur pendant que le paresseux se repose dans son transat ! Ces vers font des aller-retour quotidiens entre la surface et les profondeurs où le sol est humide et la température d'environ 12°. Ils sortent la nuit pour saisir des brins de matière organique qu'ils vont ingérer mélangés à la terre et rejettent en surface le produit de leur digestion sous forme de turricules (de la terre agglomérée par des glus). Ces vers dont l'utilité est fondamentale pour le jardinier qui ne souhaite pas travailler son sol doivent être préservés (pas de motoculteur ou même de grelinette !) et nourris par un apport de matière organique sur le sol.Ces vers par leurs galeries aèrent durablement le sol, favorisent la répartition de l'eau, ensemencent de bactéries fixatrices d'azote, produisent de l'ammonium que les bactéries vont pouvoir nitrifier au bénéfice immédiat de nos plantes.

    Nourrir le sol

    Le terme "humification" désigne les processus biologiques qui conduisent à la synthèse de substances humiques à partir de matières organiques en cours de décomposition sous l'influence d'organismes vivants. Ces substances humiques qui donnent à la terre sa coloration sombre, sont une famille de molécules qui composent les sols et lui donnent un ensemble de propriétés remarquables :

    • elles améliorent l'état physique du sol, structure, aération, cohésion
    • elles favorisent la chimie du sol. C'est un rôle de réservoir à la disposition des plantes. Elles ont un pouvoir tampon qui limite les variation de pH.
    • elles améliorent la biologie du sol en entretenant une population nombreuse et variée de micro-organismes qui limite le présence de pathogène et de parasites.Comment enrichir son sol de substances humiques ? L'expérience montre que l'humification est efficace quand on effectue des apports de substances ligneuses et que s'installe une intense activité des champignons. Il faut aussi que les apports de matière à décomposer ait un rapport C/N d'environ 20 qui convient aux micro-organismes du sol. S'il y a trop de carbone, les micro-organismes décomposeurs vont prélever de l'azote dans le sol et en priver ainsi les plantes que l'on cultive.Le foin a un C/N de 25 à 30 comme un fumier pailleux frais. La paille C/N de 50 à 100, le BRF de 15. Les tontes de gazon 10 à 12.Il faut aussi comparer ces valeurs en tenant compte de l'apport en substance sèche et en éléments fertilisants (NPK).C'est en fonction de ces éléments que notre "paresseux" va utiliser le foin comme couverture de son sol. En particulier à la fin de l'automne, le sol va être couvert d'une épaisseur importante de foin de manière à :
    • protéger son sol des variations de température et du dessèchement
    • empêcher la lumière d'activer la germination des graines de "mauvaises herbes"
    • nourrir les organismes qui vont aggrader le sol.

      Des informations plus complètes sont dans le livre "Le Potager d'un Paresseux". Des expérimentations et des réflexions sont présentées sur YouTube par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=QXJ_uMDzaJk.

     

    « Qui tique encore sur l'Ortie qui pique ?Fiches des plantes de l'expo »

    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :